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- Course pour suites.

Courir. 

Ne pas s'arrêter.

Son cerveau ne lui ordonne rien d'autre que de courir encore. Encore plus vite.

Ses jambes ,pourtant si souvent mises à rude épreuve, ne réussissent plus à éxecuter les ordres de son cerveau. Elles faiblissent à chaque foulée.

Elle se retourne. Il est là, quelques mètres derrière elle.

Elle sent ses poumons brûler à l'intérieur de sa poitrine, mais elle doit continuer.

Ne pas s'arrêter.

Elle essaye de réguler son souffle mais cela devient de plus en plus difficile. L'air a du mal à pénétrer dans ses bronches et son cœur cogne si fort dans sa cage thoracique qu'elle a l'impression qu'il va exploser.

Elle se retourne à nouveau. Il gagne du terrain. 

Plus il se rapproche, plus la panique augmente.

Des larmes de peur et de rage viennent perler sur ses joues rouges et transpirantes.

Comment lui échapper ?

 

Course pour suites

 

Elle ne sait pas vraiment où elle va, mais il faut qu'elle réussisse à mettre de la distance entre eux.

C'est sa seule chance. S'il la rattrape, s'en est fini d'elle !

Ses muscles lui semblent comme des chapes de plomb qui se seraient abattues sur son corps tout entier. Elle peine comme si elle transportait un cheval mort sur son dos.

Ne pas laisser la peur prendre le dessus, sinon celle-ci va la freiner. Mais l'angoisse s'insinue de plus belle et elle doit lutter pour ne pas penser.

Ne pas penser.

Courir. Encore plus vite.

Fuir le danger.

Fuir cet homme atrocement obstiné qui ne la laissera pas tranquille avant de l'avoir attrapée. Elle le sait.

Ses jambes ne vont pas tarder à lâcher.

Sa vie se joue maintenant, sur les centaines de mètres qu'elle espère être encore capable d'effectuer.

Etait-il possible que quelqu'un puisse la voir, ou bien même la croiser ?

C'était pourtant beaucoup moins dangereux de venir à cette heure là.

Elle aurait dû être seule. Et tranquille. Elle avait vérifié.

Ce parcours, déjà emprunté plusieurs fois, à plusieurs moments différents, est celui qui lui avait paru le plus propice. A Trois heures trente. L'heure où tout le monde dort. Ou presque.

Car lui, n'était pas blotti bien au chaud au fond de son lit cette nuit.

Il était là.

Là où il ne fallait pas.

Et il l'avait repérée. Il s'était tout de suite mis à lui courir après.

Et il court toujours.

 

Depuis combien de temps la poursuite a t-elle commencé ?

Vingt minutes ? Une heure ? Elle ne peut se permettre de regarder sa montre dans cette course effrénée.

Elle doit continuer à courir. Essayer de le semer.

Ne pas prendre la direction qui mène chez elle, elle ne veut surtout pas qu'il sache où elle habite.

Pourtant elle aimerait tellement pouvoir pousser la porte de son appartement, boucler la serrure à double tour, enlever ses baskets et s'écrouler sur son canapé.

Reprendre son souffle. 

Mais c'est impossible.

Alors elle court.

Si elle avait pu imaginer un seul instant, qu'il se trouverait là, elle ne serait jamais venue cette nuit.

Toujours discrète, le plus possible, elle essaye d'éviter la moindre personne qui pourrait l'embarrasser. Elle a toujours détesté la foule, les gens en général, et c'est pour ça qu'elle court toujours seule.

La course, ça fait partie d'elle. Depuis son adolescence, elle court.

Sur le terrain d'athlétisme du collège d'abord, dans la nature proche de chez ses parents ensuite, et enfin au moins deux fois par semaine en forêt depuis qu'elle vit seule à la campagne.

Courir lui permet de réfléchir, de s'aérer l'esprit, et surtout de n'avoir à côtoyer personne.

Le handball la passionnait quand elle était gamine, mais le sport d'équipe ne lui convenait pas .

Du mal à se mêler aux autres. Alors elle s'est mise à courir et à adorer ça.

Elle partait des journées entières, le week-end, courir à travers champs et prairies qui bordaient son village natal. Sa mère la grondait le soir car elle rentrait tard. Elle aimait attendre la tombée de la nuit.

Le plaisir de courir la nuit. Ce moment où les autres sont calfeutrés chez eux, devant un film ou un feu de cheminée. Ce moment où ils vont se coucher, éteindre la lumière. S'endormir.

C'est celui qu'elle préfère, ce moment.

Mais pas cette nuit.

 

Cette nuit, c'est différent.

Cette nuit elle n'a pas agi comme à son habitude et voilà le résultat. Elle n'aurait pas dû.

Comment aurait-elle pu se douter que cet homme serait là, en travers de son chemin et qu'il se mettrait à la poursuivre ?

La seule chose à faire maintenant, la dernière solution, c'est de continuer à courir le plus vite possible.

Elle jette un œil derrière elle, Il s'est encore rapproché. Il peut presque la toucher maintenant.

La panique la submerge complètement.

- Il est sacrément endurant, beaucoup plus grand et costaud que moi, réfléchit-elle. Et sûrement armé. Je ne peux vraiment pas l'affronter.

Je dois continuer...Il faut que je m'en sorte.

Je veux vivre !

 

Alors, réunissant ses toutes dernières forces et dans un ultime effort, elle se met à entamer un sprint endiablé.

Courir à perdre haleine.

Sans se retourner.

Sans perdre de temps.

Elle a encore une lueur d'espoir. Après tout, elle court depuis toujours, elle peut y arriver !

Il va bien finir par se fatiguer.

La peur lui donne des ailes. L'adrénaline la propulse vers l'avant un peu plus vite encore.

Sa résistance à la douleur est assez impressionnante et ça peut la sauver.

Ses pieds ne sont plus que deux torches incandescentes et ses poumons deux brasiers qui se consument, mais il ne faut pas y penser.

Ne pas penser. Ne pas laisser la douleur pénétrer.

Courir.

Il perd du terrain.

Elle y croit. Reussir à sauver sa peau. Sauver sa vie.

Courir encore.

 

D'un coup, sa tête heurte le sol. Dur. Froid. 

La chute. Les pieds pris dans une racine.

Vite, se relever !

Les arbres et les herbes tournent tout autour d'elle dans une folle farandole. Elle est sonnée.

Son crâne lui fait mal. Elle pose sa main sur une branche solide, pour tant bien que mal, essayer de se redresser.

Mais là, surgit , un pistolet entre les mains, l'homme essoufflé et dégoulinant de sueur.

Il pointe son arme sur sa tempe.

C'est la fin.

Elle ferme les yeux.

Et quand elle entend l'homme lui crier :

- "Police ! Pas un geste ! "

elle n'a plus peur.

C'est trop tard.

Simplement, elle se dit qu'elle n'aurait pas dû choisir cette nuit ; une si jolie nuit de pleine lune ; pour commettre un si vilain crime.

Buter un flic, ça ne pardonne pas.

Ou alors il faut courir plus vite encore...

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