Créer un site internet

La con plainte du mou choir.

Jadis, quand les larmes coulaient sur les joues des dames ou des enfants, les hommes leur prêtaient ou leur offraient un mouchoir pour essuyer celles-ci. Un mouchoir en tissu. Un de ceux que l'on peut souiller, encore et encore. Un de ceux que l'on peut emplir chaque jour de chagrins, de joies, de morve ou de crachats.

Ces carrés de coton pliés en quatre ou roulés en boule que l'on tripotait frénétiquement du bout des doigts en cas d'émotions vives et que l'on conservait quotidiennement au fin fond de la cavité obscure de notre poche.

Même quand ils étaient déjà "utilisés". On les roulaient alors dans l'autre sens et on les refermaient. Délicatement. Un peu comme un porte-bonheur.

Chacun de nous attendait le soir venu, à la maison, pour faire ressurgir son mouchoir usagé de sa cachette et le déposer dans le panier à linge sale. Ensuite l'on faisait bouillir notre mouchoir, le débarrassant ainsi de toutes les saletés qu'il avait pu accumuler pendant la journée. Nous le faisions sécher toute la nuit et on le récupérait le lendemain matin, vierge de toutes salissures et prêt à entamer une nouvelle journée. Encore et encore.

Jusqu'à ce qu'un jour, après bien des années et des années de complicité passées auprès de nous, le tissu s'éffiloche tellement qu'il en devient transparent. Que des trous se formant ça et là, de part et d'autre de ce morceau d'étole, rendent inutilisable celui-ci.

ALors là seulement, et seulement là on se décidait à le jeter. Ou même à en faire un chiffon. Car il était difficile d'accepter de se séparer d'un objet aussi spécial. Ce banal mouchoir qui nous avait accompagné si longtemps ; là ; tapi discrètement au fond de notre poche. Celui-là même qui nous avait tant aidé à surmonter tristesse ou maladie. Ce quelconque échantillon de tissu qui nous a si souvent consolé et auquel nous ne prêtions, avant, aucune attention particulière. Mais qui, quand on devait s'en débarrasser, révèlait alors toute son importance.

A présent, il existe les mouchoirs jetables. En papier. Utilisables qu'une seule fois. Ou peut-être deux ou trois, suivant l'étendue du déversement qu'ils subissent.

Ensuite, l'on trouve une poubelle, qu'importe laquelle (et pour les moins respectueux, on ne prends même pas cette peine) et on y jette notre mouchoir. L'on n'attends pas le soir pour nettoyer et retirer au calme, à la maison, les salissures de la journée.On jette nos mouchoirs sans arrêt.

Du matin au soir. N'importe où. Et plus jamais nous ne prenons la peine de désinfecter nos chagrins ou nos maladies en rentrant. Nous les laissons en suspens, quelque-part, enfermés dans d'éphémères bouts de cellulose égarés.

Puis l'on reprend un autre mouchoir dans le paquet. Parce que maintenant, on ne peux plus avoir un seul mouchoir à la fois, un unique et fidèle mouchoir. Ils ne se trouvent que par paquet.

A notre époque, l'amour c'est un peu comme les mouchoirs :

On ne prend plus le temps de nettoyer au calme, chaque soir, le contenu de notre mouchoir mais on le jette très vite en sachant que l'on peut sans attendre, en prendre un autre, un tout neuf de mouchoir, en plongeant simplement la main dans le paquet ...