L'écrit vain.

Tu sais, quand tu as des phrases qui dansent et qui virevoltent d'une synapse à une autre puis d'un neurone vers un autre neurone dans les méandres de ta matière grise, tu n'as souvent pas le temps ou alors c'est vraiment pas le moment de le prendre, le temps, pour les retenir ou les noter, ces phrases.

Dès que tu peux, tu trouves un stylo et un bout de papier, ou un paquet de clopes, un morceau de nappe de resto routier, un dessous de verre ou même une ou deux feuilles de PQ.

Parce que moi j'aime pas me dicter les mots. Genre m'envoyer un message à moi-même. Trop bizarre. Quand je réécoute et que j'entends ma grosse voix éraillée de fumeuse quarantenaire répéter ces mots, ça sonne faux. C'est comme s'ils n'avaient plus aucun sens, MES mots. Et que presque ça en deviendrait des maux, rien que de les entendre.

Alors mes phrases s'envolent. Elles s'évaporent lentement en laissant perler quelques syllabes, une ou deux rimes ça et là, quelques instants, pour ensuite laisser place, insidieusement, à cette foutue charge mentale qui réussit à chaque coup à prendre le dessus sur la poésie.

Déjà rien que le mental tout court c'est compliqué à gérer des fois, alors si en plus tu lui rajoutes une charge..

Comment tu veux que la beauté initiale de tes phrases, celles que tu as eu en tête le matin même et qui te paraissaient si ingénieuses et même excellentes, (là c'est l'égo qui parle, mais lui il fout souvent encore plus la zone dans ces cas-là) ,ces phrases qui pouvaient permettre à ton cerveau encore frais d'en faire le départ d'un chef-d'oeuvre, d'un écrit narcissiquement parfait où il n'y aurait rien à retoucher, rien à changer. Juste un putain de bon dieu de bon texte !

Mais il y a cette connasse de charge mentale ! Elle écrase tout le reste sur son passage. Elle s'en fout elle, de la poésie ! Elle te rappelle à la triste réalité de tes choses quotidiennes. Un peu comme quand tu renverses ta tartine le matin et que tu sais d'avance qu'elle va évidemment atterrir sur le côté où t'as mis le beurre et la confiote. T'as beau essayer de retenir toutes ces pensées nauséabondes, parasites et vicelardes qui s'engouffrent comme un ver dans une pomme ,tu sais, discrètement mais bien profond, là dans l'organe ramolli qui est sensé être ton allié. Ton ami de toujours même. Ton cerveau ! Le chef de la bande.

Son meilleur pote, lui, le cœur, t'as aidé à les inventer ces maudites phrases. Alors bordel, pourquoi le mec d'au-dessus, le PDG en chef, ne se bouge pas le cul pour faire son taf, lui.. non mais sérieux.

Ces deux-là sont associés, ils ne peuvent bosser l'un sans l'autre. Ce qui, je dois l'avouer, met parfois une sacrée belle pagaille dans ma vie. Mais je m'éloigne du sujet là , j'en reviens à mes satanées phrases.

Tu vois, c'est ce que je disais, les plus belles phrases ne sont belles que parce qu'on s'en souvient.

Et là encore, j'ai oublié ce que je voulais te dire ...

Vierge 3

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